Projet de loi sur la création d’un mécanisme d’adaptation des prestations familiales : quelques incohérences et de nouvelles pressions sur les finances publiques
Avis de la Chambre de Commerce
Dans le cadre de l'accord bipartite du 28 novembre 2014 entre le Gouvernement et les organisations syndicales, il a été prévu de créer un mécanisme d'adaptation des prestations familiales en espèces et en nature. Ainsi, dès 2018 et tous les deux ans, l'évolution du salaire médian au cours des trois dernières années sera comparée à l'évolution des prestations familiales en espèces et en nature. Dans le cas d'une évolution plus rapide des salaires médians, le Gouvernement pourra décider d'adapter les prestations existantes ou de créer une nouvelle prestation, en espèces ou en nature. Alors que la Chambre de Commerce ne remet pas en question le fond de la réforme, à savoir l'adaptation occasionnelle du montant des prestations familiales, elle ne peut cautionner la forme. Elle regrette notamment l'absence d'une radiographie d'ensemble des transferts sociaux et familiaux existants et critique le manque d'évaluation du coût sur le long terme.
Incohérences du nouveau mécanisme d'adaptation
Bien que la Chambre de Commerce ne remette pas en cause l'adaptation occasionnelle et discrétionnaire du montant des prestations familiales, elle ne peut accueillir favorablement l'instauration d'un nouveau mécanisme d'adaptation bisannuel des aides familiales, sans prise en compte du contexte socio-économique de manière plus large.
De plus, la Chambre de Commerce s’interroge sur la justification de lier évolution des salaires médians et évolution des prestations familiales. Elle juge par ailleurs arbitraire la possibilité « d’investir » une marge de manoeuvre fictive suite à l’augmentation des salaires médians pour créer de nouvelles prestations et craint que l’attrait de talents aux rémunérations importantes sur le sol luxembourgeois, n’entraîne un dérapage des finances publiques allouées aux prestations familiales. Si le mécanisme devait être maintenu, la Chambre de Commerce demande, en toute hypothèse, que les 5% des salaires les plus élevés soient exclus du calcul, à l’instar de la méthodologie appliquée pour l’adaptation du salaire social minimum.
En outre, le Chambre de Commerce regrette le manque de cohérence entre les mécanismes d’adaptation de différentes prestations en termes de système appliqué et de période de référence. Alors que les indemnités de congé parental, égales au revenu professionnel mensuel moyen perçu par le bénéficiaire au cours des 12 mois précédant le début du congé parental, seront implicitement indexées, les prestations familiales en espèces et en nature seraient adaptées à l'évolution du salaire horaire médian sur une période de référence de trois années, tandis que le salaire social minimum est adapté à l’inflation et en fonction de l’évolution du salaire réel moyen, au cours de deux années.
La Chambre de Commerce demande par conséquent une harmonisation, afin, d’une part, de tendre vers davantage de simplification administrative et, d’autre part, d’accroître la transparence, la cohérence et la lisibilité des systèmes.
Nécessité d’une radiographie d’ensemble
Le projet de loi prévoit l’adaptation des prestations en espèces et en nature ou la création d’une nouvelle prestation visant les enfants si un besoin particulier est constaté. Bien que l’objectif soit louable, la Chambre de Commerce estime que l’architecture actuelle en termes de transferts, allocations et aides sociales et familiales est déjà relativement complexe, avec une multitude de transferts hétéroclites, disparates et parfois de faible envergure, qui ont tendance à s’accumuler et à se démultiplier au fil du temps. La Chambre de Commerce rappelle qu’elle plaide pour le principe « un besoin = une aide » et pour la réalisation d’une radiographie de l’ensemble des transferts sociaux.
Une sélectivité sociale absente
La Chambre de Commerce n’a eu de cesse d’affirmer la nécessité de prévoir des transferts sociaux basés sur la capacité contributive des ménages, assurant l’équité entre les générations et la promotion du travail au détriment de l’inactivité, tout en réduisant le risque d’exposition à la pauvreté en ciblant mieux ces transferts. Pourtant, la sélectivité sociale est toujours largement absente des velléités réformatrices du Gouvernement, dans la mesure où nombre de transferts sociaux sont alloués indépendamment de la situation financière des ménages bénéficiaires.
Manque d’évaluation des coûts sur le long terme
Enfin, la réforme créant un changement structurel important, la Chambre de Commerce estime indispensable la simulation de l’impact budgétaire sur le long terme, et ce dans un souci d’équité intergénérationnelle et de soutenabilité des finances publiques. L’impact du mécanisme d’adaptation sur les finances publiques est non négligeable, d’où la nécessité de l’analyser et de l’évaluer au préalable. En effet, les prévisions ont été établies jusqu’en 2019, alors que l’évolution des salaires médians restera relativement faible, tandis qu’en 2020, elle devrait atteindre 4,15%, engendrant dès lors une accélération significative de l’évolution des prestations sociales.
Le texte intégral de l'avis de la Chambre de Commerce peut être consulté ici