Reforme du droit d'établissement et seconde chance : des avancées partielles
Avis de la Chambre de Commerce
La Chambre de Commerce a rendu son avis sur le projet de loi et le règlement grand-ducal modifiant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel ainsi qu’à certaines professions libérales, et déterminant le fonctionnement de la commission de la seconde chance. Elle se félicite de la digitalisation de certaines procédures liées à l’établissement des entreprises au Luxembourg amenée par cette réforme, mais estime en revanche que les actions en faveur de la seconde chance entrepreneuriale, très attendues, restent encore trop timides. Elle plaide également pour une libéralisation plus avancée du droit d’établissement en général, en phase avec l’évolution prévisible du cadre entrepreneurial et notamment en cohérence avec l’essor des industries créatives.
Les principaux objectifs de la réforme
Les activités commerciales, artisanales et industrielles, ainsi que certaines professions libérales, sont soumises à une autorisation d’établissement préalable, relevant de la Direction des classes moyennes du ministère de l’Economie. L’entreprise (indépendant ou société) doit remplir une série de conditions de qualification et d’honorabilité professionnelles et prouver l’existence d’un établissement stable. Le principe de l’autorisation préalable est maintenu à travers la réforme projetée, mais il est facilité par une simplification administrative opérée, qui concerne notamment la mise en place d’une procédure de délivrance électronique de l’autorisation d’établissement ou encore de l’échange automatique de certaines informations entre administrations.
Le projet de loi se focalise aussi sur le rebond entrepreneurial après un échec et introduit le principe d’une « deuxième chance » après une faillite malheureuse et de bonne foi. Celle-ci est encadrée par l’intervention d’une commission de la seconde chance. Parmi les autres objectifs - non-exhaustifs - du projet de loi, figure la révision des listes des activités considérées comme étant « artisanales », les auteurs ayant tenté de tenir compte des évolutions techniques et technologiques qui impactent les secteurs en question. En outre, le projet de loi se propose d’apporter un cadre légal à la location temporaire de logements meublés touristiques. Plusieurs autres modifications ont pour objectif de protéger et de faciliter la transmission d’une entreprise ou bien encore, de flexibiliser la gouvernance des entreprises.
Le principe d’autorisation d’établissement maintenu, mais une gouvernance d’entreprise flexibilisée
La Chambre de Commerce se félicite de la digitalisation accrue des procédures liées à l’établissement d’une entreprise nouvelle. Or, elle aurait souhaité que le législateur aille encore plus loin en faisant en sorte que les données clés soient transmises à l’ensemble des autorités intervenant dans le processus de création d’entreprise, et ce dès son établissement. Plus que jamais, l'autorisation d'établissement est synonyme d'un établissement permanent, stable et réel, au Luxembourg, et donc de substance économique sur le sol national. La Chambre de Commerce salue le fait que, dorénavant, le dirigeant puisse résider dans l’espace économique européen sans que cela ne soit contradictoire avec le fait de mener à bien la gestion journalière de l’entreprise depuis le Luxembourg. Cette souplesse devrait permettre de stimuler l’installation de nouvelles entreprises au Grand-Duché.
Dans la même logique de facilitation et d’attractivité, la Chambre de Commerce accueille positivement la possibilité qui est donnée aux fondateurs de sociétés, à travers ce projet de loi, d’avoir recours à un mandataire social externe qualifié désigné par leurs soins, portant une autorisation d’établissement pour le compte d’une personne morale. En effet, jusqu’ici, seul un salarié ou un associé pouvait détenir une autorisation d’établissement dans un tel cas.
Enfin, la Chambre de Commerce salue le fait qu’un dirigeant « sur le départ » (démissionnaire ou cédant) doive, selon le projet de loi, faire le point sur les dettes restantes envers les administrations publiques et trouver des solutions pour les apurer, avant que l’autorisation d’établissement ne puisse être reprise par un nouveau dirigeant. Ces exigences vont, à ses yeux, participer à la protection des repreneurs.
Un premier pas en faveur de la relance après un échec entrepreneurial
Le projet de loi revisite d’autres principes connexes au droit d’établissement, notamment celui de la seconde chance après une faillite. Il introduit notamment une « commission de la seconde chance » ainsi qu’un principe de seuils de dettes subordonné à l’instruction d’une nouvelle demande d’autorisation d’établissement après une faillite. S’il apparaît effectivement utile de vérifier les antécédents judiciaires d’un entrepreneur afin de protéger ses futurs cocontractants, la Chambre de Commerce estime que le pouvoir discrétionnaire qui est donné au ministère de l’Economie pour juger de l’honorabilité des requérants et donc de leur octroyer - ou non - un droit à la seconde chance, pourrait être assimilable à un pouvoir judiciaire. La faculté de sanctionner un entrepreneur en l’empêchant de « faire commerce » à nouveau devrait pourtant être une prérogative des seuls tribunaux. La Chambre de Commerce défend donc l’idée d’une seconde chance attribuable de plein droit à l’entrepreneur dont l’honorabilité n’a pas été entachée, de l’avis des tribunaux. Elle porte un regard positif sur la mise en place d’une commission de la seconde chance, qui soutiendrait alors davantage l’entrepreneur dans son choix de redémarrer une activité après une faillite, dans une visée préventive.
Poser les bases d’un cadre entrepreneurial adapté aux pratiques d’aujourd’hui et de demain
Enfin, la Chambre de Commerce rappelle, dans son avis, que la réforme du droit d’établissement doit nécessairement poser des bases stables et durables pour faire face aux évolutions prévisibles du cadre entrepreneurial. Elle constate par ailleurs que la logique de classification des métiers artisanaux en plusieurs listes reste inchangée, et que cette dernière est même renforcée par l’apparition d’une troisième liste (dite C) dans le projet de loi, en plus des actuelles listes A et B.
Selon la Chambre de Commerce, l’apparition d’une troisième liste de l’artisanat - dont l’accès n’est plus conditionné à une quelconque qualification - n’apporte pas de plus-value tangible. En qualifiant d’activités artisanales des activités qui ne requièrent aucune qualification professionnelle spécifique, la Chambre de Commerce craint que les métiers artisanaux traditionnels, repris sur les listes A et B, puissent être dévalorisés. Même si l’accès à la liste C semble simplifié, la Chambre de Commerce est en outre d’avis que cette approche de sélection à l’entrée sur le marché par l’unique « qualification technique » semble déjà dépassée par la mutation actuelle de l’économie. En effet, elle constate que les industries créatives revêtent aujourd’hui de multiples formes et font appel à des approches ou compétences pluridisciplinaires. Elle plaide ainsi en faveur d’un cadre plus souple pour que ces industries puissent s’épanouir au Luxembourg et rencontrer le besoin du marché.
Elle regrette par ailleurs l’absence de lien entre la réforme du droit d’établissement et le projet de loi relatif à la préservation des entreprises et portant modernisation du droit de la faillite.
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